Qu'est-ce qui cause le burnout? L'attitude d'une personne? Ses conditions de travail? Ou une nouvelle idéologie de la performance?
Voici trois approches différentes d'un même désarroi aigu dont on sait toutefois une chose: Ce n'est pas un état dépressif.
Lentement (trop lentement?) nous prenons conscience des limites des richesses naturelles de notre planète. Nous questionnons l'empreinte de nos activités sur notre environnement. Nous recherchons des solutions qui permettraient un développement plus durable.
Mais qu'en est-il de la personne humaine?
On dirait bien que nous la considérons plus que jamais comme une ressource inépuisable. Avec des facultés d'adaptation sans cesse renouvelables. Un potentiel intellectuel infini qu'on peut toujours mieux exploiter. Et une résistance aux contraintes dont les limites ne demandent qu'à être déplacées.
Dans les entreprises privées comme dans le secteur public, cette croyance inspire des modes de gestion des ressources humaines (voir encadré 1) qui invitent les femmes et les hommes à "se dépasser" pour atteindre la "qualité totale".
La même croyance est à l'origine de toute une industrie de la performance humaine (voir encadré 2) qui propose du coaching professionnel, des sessions de team-building, des programmes de gestion du stress, des séminaires de leadership...
Et quand, malgré tous ces efforts destinés à la motiver et à la soutenir, une personne finit par craquer?
Ah? C'est qu'elle n'a pas géré...
Cette réponse laconique interdit d'emblée toute question sur la nature plus ou moins gérable de la situation qui a pu épuiser la personne.
On comprend bien que la méconnaissance des circonstances qui peuvent mener au burnout s'inscrit dans une certaine logique de gestion des ressources humaines. Celle-ci ne peut (ou ne veut) être remise en cause par ce qu'elle considère comme une défaillance individuelle. Mais...
Mais une réponse trop simple peut mener à des situtations très inquiétantes.
Dans ces cas, il peut être salutaire de chercher d'autres réponses à d'autres questions. Les contraintes professionnelles que rencontre cette personne sont-elles réellement soutenables? Son activité et les décisions que celle-ci suppose sont-elles en accord avec ses convictions? Désire-t-elle vraiment développer les compétences que son organisation valorise?
Retrouver individuellement le chemin de l'épanouissement professionnel passe, parfois, par un peu de recul.
Interroger le cadre organisationnel et même sociétal dans lesquels s'inscrit notre activité fait alors appel à la seule ressource qui devrait être infinie: Notre liberté de penser.
D'une concurrence - somme toute naturelle - entre les entreprises, nous sommes passés graduellement, au cours des dernières décennies:
- à la concurrence entre les départements d'une même entreprise, tous supposés contribuer au résultat
- à la concurrence entre ces départements et d'éventuels sous-traitants
- et enfin à la concurrence entre les travailleurs eux-mêmes.
Comme l'indique le psychiatre Christophe Dejours dans cet enregistrement, cette logique qui isole les travailleurs rend psychologiquement vulnérables les plus motivés d'entre eux.
Les programmes de prévention du stress au travail sont sans doute plus faciles à implémenter qu'un suivi personnel.
Et moins coûteux? En apparence, seulement, nous disent deux chercheurs en médecine, de l'Université de Californie.
À l'issue d'une évaluation critique de ces programmes collectifs, ils arrivent à la conclusion:
À l'heure actuelle [...] la gestion du stress au travail est plus efficace quand elle fait appel à une psychothérapie individuelle brève, orientée solution.
(Source: American Journal of Health Promotion)