Les premiers psychologues qui ont étudié et décrit le phénomène du burnout se sont intéressés à la personne en souffrance et ont voulu décomposer en étapes le processus qui la mène graduellement à l'épuisement professionnel.
Sachant que le burnout se développe dans un processus qui met en cause la personne et son environnement de travail, peut-on faire abstraction de cet environnement?
Ce fut en tout cas la première approche des psychologues qui ont étudié et décrit le phénomène. Ils se sont intéressés à la personne en souffrance et ont voulu décomposer en étapes le processus qui la mène graduellement à l'épuisement professionnel.
Je reviendrai sur le parti-pris normatif et sur la naïveté de ce modèle, mais il faut d'abord lui reconnaître au moins un mérite. Il rend relativement bien compte du parcours de la personne qui, en fonction de sa résistance au stress, franchira plus ou moins rapidement les quatre étapes illutrées ci-dessous:
Voyons déjà ce que cette description passe sous silence, pour chacune des étapes qui précèdent le burnout:
Comme il arrive très souvent, les psychologues considèrent le cadre sociétal et l'ensemble de ses règles de fonctionnement comme "normaux" et se permettent de désigner les pensées ou comportements d'une personne en souffrance comme "déviants".
Leur description du parcours en quatre étapes est peu nuancée et fait apparaître le profil caricatural d'une personne trop bien intentionnée et maladroite. Excessivement optimiste, elle aurait manqué de vigilance et, au bout du compte, elle n'aurait pas réussi à gérer ses frustrations.
Et si la véritable naïveté était ailleurs?
Centré sur la personne, le premier modèle psychologique du burnout ignore l'environnement professionnel et ses contraintes.
Les fusions-acquisitions, restructurations, délocalisations et privatisations? Le recours croissant à la sous-traitance et aux emplois partiels et/ou précaires? La gestion parfois brutale des ressources humaines dans un climat tendu de compétition mondiale?
On dirait qu'il s'agit là de péripéties banales auxquelles tout être humain normalement constitué devrait pouvoir s'adapter sans difficulté majeure...
Le danger d'une vision aussi naïve - car il y parfois danger - survient quand elle nous maintient dans un état de déni ou d'ignorance des facteurs externes qui peuvent être à l'origine du désarroi professionnel. Même quand elle est exposée à des conditions de travail objectivement harcelantes, il arrive que la personne en burnout s'estime seule responsable de son état qu'elle ressent alors honteusement comme un échec personnel.
Souvent, la personne qui me consulte attend de son psychothérapeute qu'il lui indique ce qu'elle aurait pu ou dû faire autrement pour éviter le piège du burnout.
Paradoxalement, nous découvrons tout aussi souvent que son véritable talon d'Achille est justement sa faculté de se remettre en question. Elle prend à son compte personnel certains échecs dont l'analyse révèle qu'ils résultent en réalité des dysfonctionnements de son entreprise ou de son institution.