Acteurs, Double contrainte, Système, Tâches thérapeutiques...
Ce petit ABC de l'approche systémique introduit une dizaine de concepts illustrés par des exemples.
Une psychothérapie fait souvent intervenir plusieurs acteurs qui peuvent jouer un ou plusieurs rôles:
S'informer: Consulter dans le but d'avoir une autre lecture d'une situation sans grand désir (ou sans véritable espoir) de la changer.
Se plaindre: Exprimer le désir d'un changement mais ne pas (encore) s'investir pour qu'il advienne.
Contraindre: Désigner un proche comme celui qui devrait consulter un thérapeute.
Être contraint: Se rendre en thérapie parce qu'on a été désigné comme celui qui devrait changer.
S'engager: S'impliquer activement dans une stratégie de changement.
Le psychothérapeute doit-il obtenir d'une personne qu'elle s'engage, alors qu'elle n'en exprime pas le désir? La question fait débat.
Pour ma part, j'estime qu'il est plus respectueux de renseigner pour que chacun puisse choisir en toute liberté le rôle qui lui convient.
La double contrainte (on parle aussi d'injonction paradoxale) consiste à exiger une chose et son contraire de telle manière qu'aucune réponse ne sera satisfaisante. A priori, une telle demande est absurde mais...
Mais les choses se compliquent quand un enjeu relationnel (autorité, lien sentimental) interdit d'échapper au piège!
Exemple: Mon cher Paul, oubliez un instant que je suis votre supérieure hiérarchique, et dites-moi franchement ce que vous pensez de mon projet?
Piège infernal car...
Et s'il disait franchement à son N+1 qu'elle lui demande l'impossible? Alors, il peut s'attendre à...
Y a-t-il toujours et immanquablement des moments, peut-être très rares et sans doute trop brefs et certainement encore peu intenses, oui...
Si rares et brefs et peu intenses qu'ils n'enlèvent rien à la détresse, non...
Mais tout de même...
Y a-t-il des moments où les choses se passent bien?
Ou simplement un peu moins mal?
L'approche orientée solution s'intéresse particulièrement à ces moments-là dans le cadre d'une thérapie brève.
Poser la question des exceptions, susciter l'évocation de ces moments de répit (ou parfois même de joie) fait déjà un peu de place pour ce qui n'est pas le mal-être.
En attendant qu'il se retire?
La position "méta" est, du moins en théorie, celle d'un observateur qui prend du recul par rapport à l'expérience qu'il vit.
Il devient alors conscient des "jeux" et des "enjeux" relationnels dont il est à la fois l'acteur et le témoin.
Est-ce vraiment possible?
En toute logique, non. Car observer n'est jamais qu'une autre manière d'agir.
En dépit de ce paradoxe - ou grâce à lui? - la position méta a une foule de vertus thérapeutiques bien réelles.
Plus particulièrement dans le domaine des accès d'angoisse et des phobies, la prescription d'une tâche d'observation est parfois d'une efficacité surprenante.
Trouver la sortie du dédale sans trop se demander pourquoi on a fini par s'y perdre?
Cette devise qui est au coeur de la thérapie brève paraît simple. Mais le défi est de taille.
La personne qui souffre désire comprendre ce qui lui arrive.
À l'origine de son mal-être doit forcément se trouver une cause ou une faute, une blessure ou une fêlure...
Ce n'est qu'en faisant pas à pas les premières expériences plus heureuses qu'elle finira par détourner le regard d'un passé qui peut être réellement (et parfois insoutenablement) douloureux.
S'orienter vers une solution commande d'abord le respect inconditionnel pour le récit de vie.
Ensuite et ensuite seulement peut naître la détermination d'en écrire la suite, autrement.
Le problème est ce qui amène, ici et maintenant, une personne à consulter.
Le rapport à ce problème est ce qui permet, très vite, de distinguer l'intervenant intègre du charlatan.
Invariablement, les guérisseurs s'approprient la souffrance et déclarent alors, d'autorité: Votre vrai problème, c'est... Votre signe astrologique... L'orientation de votre lit... Un ancêtre Maya?
Non
Le seul et véritable problème de Martine, ce sont ses crises de larmes qui surviennent au beau milieu d'une réunion d'affaires. Celui de Paul est qu'il doit parfois s'arrêter de toute urgence quand, sur la route, une panique soudaine l'envahit.
Oui
Leur seul et véritable mieux-être sera une journée sans larmes et un trajet en voiture serein.
Lentement mais sûrement, la routine s'installe dans nos relations humaines. Les échanges deviennent moins surprenants. Les issues deviennent plus prévisibles.
Souvent, ce phénomène est plutôt rassurant. Quantité de petits rituels peuvent rythmer la vie d'un couple ou d'une famille dans une tendre complicité. Le visiteur s'en étonne et idéalise ces gens qui se comprennent à demi-mot! Ou qui terminent la phrase de l'autre. Mais parfois...
Parfois, les "redondances" deviennent lassantes. Elles peuvent mener à une impasse. Devant une nouvelle situation, leur répertoire se révèle soudain trop limité, trop stéréotypé.
Il arrive même qu'une personne baisse les bras et n'attende plus rien (de bon) des autres qui, de toute manière, ne changeront plus. Se pourrait-il que ses manières de penser et d'agir soient, elles aussi, devenues un peu trop redondantes ?
Une thérapie brève cherche souvent à identifier ces scénarios trop prévisibles. Et à les "perturber" un peu, pour rendre plus d'issues possibles.
Dans la thérapie brève, le "système" est le tissu relationnel à l'intérieur duquel se présente la souffrance psychique ou la situation de crise.
Les premiers théoriciens de l'école de Palo Alto ont spéculé (trop, à mon sens) sur le pouvoir pathogène d'une famille dysfonctionnelle. Ils y voyaient un "système qui rend malade".
Depuis, une approche beaucoup plus respectueuse considère le système comme une ressource précieuse.
Proches, parents, amis ou collègues peuvent jouer un rôle parfois significatif quand ils sont associés à la solution d'un problème.
Une personne plus consciente des compétences qu'elle met en oeuvre dans une sphère particulière peut aussi s'en saisir pour agir avec plus de bonheur dans d'autres cadres.
Enfin, retrouver un rapport plus épanouissant aux autres est souvent l'un des objectifs d'une psychothérapie. Blâmer le système n'ira pas dans ce sens!
Les tâches thérapeutiques sont des actions orientées vers le changement que la personne qui consulte accomplit dans son environnement familier.
Parfois paradoxales, le plus souvent très concrètes, ces tâches mettent en oeuvre d'autres stratégies que les solutions habituelles.
Quand ce travail révèle, dans la vie quotidienne, des compétences ou des ressources que la personne croyait absentes, il n'est pas rare qu'elle retrouve l'estime de soi d'une manière aussi soudaine qu'elle l'avait perdue.
Une tâche d'observation peut parfois très rapidement changer une relation. Ou faire disparaître une angoisse.
Enfin, il arrive qu'une tâche thérapeutique soit franchement humoristique ou décalée. On sourit alors, dès qu'elle est suggérée par le thérapeute.
Et sourire, n'est-ce pas déjà aller un peu mieux?
Recadrer, c'est présenter une situation sous un autre jour. L'idée est au coeur de la thérapie bréve mais...
La dernière chose qu'une personne qui souffre veut entendre, c'est une invitation de plus à voir "en rose" ce qui lui cause souffrance ou désespoir!
Même implicite, même prudent, un tel recadrage est à zapper. Seuls deux recadrages me semblent réellement fonctionnels:
Le premier, explicite, conserve le décor, son éclairage et le sentiment qu'il inspire. À vrai dire, il n'est pas rare qu'il amplifie ce sentiment. Et qu'il le valide en le prenant au sérieux. Ce faisant...
Ce faisant, il fait parfois, d'une manière fortuite, apparaître une issue qui n'existait pas avant...
Le deuxième, implicite, est induit par les tâches thérapeutiques. Il fait qu'une personne dira soudain avec un grand sourire:
Vous savez, je ne sais pas vraiment pourquoi mais... Mais je ne vois plus du tout les choses comme au début de ma thérapie!