C'est normal, Docteur?
Même quand nous la posons avec une pointe d'ironie... Cette question en dit long sur le pouvoir que nous donnons parfois au thérapeute.
Son opinion n'est pourtant pas un diagnostic médical.
Et si votre psy ne vous jugeait pas... serait-il mieux à même de vous aider?
Vos sentiments, votre comportement, votre appétit, vos goûts, vos relations... Sont-ils normaux?
Si oui, qu'en est-il de ce que vous observez autour de vous? Ce conjoint démoralisé. Cette adolescente rebelle. Ce supérieur hiérarchique irrespectueux. Est-ce normal, qu'ils se conduisent ainsi?
Une certaine psychologie normative prétend répondre à de telles questions. À grand renfort d'analyses statistiques, elle cherche à établir la juste mesure. Celle qui déterminera ce qui est acceptable et ce qui est déviant. Celle qui ciblera le trait qui fait la différence entre le normal et le pathologique.
En un mot, cette psychologie permet de juger. Cela peut être utile mais n'est pas forcément suffisant. Il arrive même que le verdict soit un obstacle au changement. Ou qu'il manque de rigueur scientifique (voir encadré 1). Peut-on s'en passer?
Un psychothérapeute peut-il vous aider sans vous juger?
Quand, pour ma part, j'hésite à me prononcer sur ce qui est normal, la personne qui me consulte est d'abord un peu perplexe. N'ai-je donc rien appris à la faculté?
Il est vrai qu'en évitant les diagnostics, une thérapie brève ouvre la voie à des solutions inattendues. Vrai aussi que ces solutions sont parfois d'une efficacité surprenante. Oui. Mais...
Pour dégager une telle solution, une thérapie brève vous demande de prendre position. Elle vous invite à dire, au sujet de ce qui vous arrive, ici et maintenant:
Cette approche nous amène à explorer ensemble ce que vous vivez, en tant qu'acteur. Et à poser comme seuls critères les joies et les peines que vous procure cette expérience personnelle.
Si votre autonomie est parfois le but lointain d'autres démarches, je la considère acquise. Nous en ferons donc notre point de départ!
Associés dans la description du problème que nous formulerons d'une manière actuelle et concrète, nous voilà également associés pour sa solution. Et libres d'inventer des rapports qui, sans répondre à une norme générale, favorisent votre bien-être personnel et celui de vos proches.
Ce que cette approche apporte dans une situtation de crise continue souvent d'agir à plus long terme. La psychothérapie marque alors le début d'un parcours plus riche, moins limité par les modèles qu'on nous impose.
Souhaiter un tel parcours me semble... parfaitement normal!
Fallait-il publier sur Wikipédia les fameuses tâches d'encre du test de Rorschach?
Non! s'écrient en coeur les psys qui tiennent à leur position d'experts. À part une caste d'initiés, personne ne doit savoir ce que les réponses à ce test peuvent révéler!
Et pourquoi pas? se demandent les scientifiques, sachant que ce test d'un autre âge n'est de toute manière ni fiable, ni valide. Et de conclure par:
Quand un corps de recherche substantiel démontre que de vieilles intuitions sont fausses, il est temps d'adopter de nouvelles façons de penser.
(Source: Psychological Science in the Public Interest)