Entre l'homme-sujet de la psychanalyse et l'homme-objet de la psychologie normative, les sytémiciens ont ouvert une troisième voie.
Ils explorent les interactions d'une personne "relationnelle".
Née à Palo Alto, en Californie, la thérapie brève a aujourd'hui un peu plus d'un demi-siècle. Des psychothérapeutes exceptionnels comme Virginia Satir, Milton Erickson et Don Jackson, des chercheurs comme Paul Watzlawick, un anthropologue et philosophe comme Gregory Bateson se sont rencontrés autour de son berceau...
Entourée de tant de sagesse, elle aurait pu, avec le temps, devenir un peu moins rebelle et moins innovante. Ce n'est certainement pas le cas, même si la cohérence de l'approche est aujourd'hui reconnue.
La psychothérapie brève et la pensée systémique sont aussi peu conventionnelles qu'elles l'étaient à l'origine, quand le Mental Research Institute de Palo Alto passait encore pour un bastion de l'anti-psychiatrie. Quel est le secret de l'éternelle jeunesse des innovateurs de cette école de pensée?
Sans doute est-ce leur vision de l'homme qui continue de nous surprendre. Ou, pour être plus près de la vérité, leur vision des relations humaines. Car c'est là, dans les relations, que l'approche systémique situe les problèmes et la souffrance. Et la voie vers le mieux-être.
A l'opposé d'un certain regard psychologique normatif, centré sur la personne "objet", son caractère, ses pathologies, ses prédispositions... Tout aussi loin du regard psychanalytique, centré sur la dynamique pulsionnelle de la personne "sujet"...
La vision systémique éclaire comment nous interagissons, ici, maintenant. Avec, pour, contre, malgré et grâce à ceux qui nous entourent.
Cette idée qui remplace tant l'homme-objet impuissant et mesurable que l'homme-sujet tout-puissant et insondable par une toute nouvelle personne dont la dimension est "relationnelle" demeure encore un peu révolutionnaire!
Voilà qui semble en contrediction avec bien des choses qu'on nous enseigne par ailleurs!
Nous apprenons dès l'enfance à distinguer les forts des faibles, les égoïstes des généreux, les soumis des rebelles, les pudiques des pervers, les sages des fous.
Formée à une typologie, une de mes collègues distinguera les intuitifs des sensoriels, les introvertis des extravertis, les sentimentaux des rationnels. Encore un pas de plus, et nous voici parmi les névrotiques, les anxieux, les dépressifs, les bipolaires, les schizophrènes...
Le psychothérapeute systémicien que je suis reconnaît pleinement qu'un comportement puisse être inapproprié, causer une souffrance, être socialement indésirable ou nécessiter une aide médicale.
Peut-on cependant toujours se satisfaire de l'attribuer au seul caractère plus ou moins immuable, plus ou moins pathologique d'un patient?
L'objectif d'une thérapie brève est de changer ce qui arrive à la personne qui consulte, sans l'étiqueter, sans la juger, sans mettre en cause qui elle est. D'emblée, je la considère donc comme autonome, à la fois désireuse et capable d'influencer le cours des événements.
Sans chercher ni coupables ni victimes, nous examinons ce que peut être fait, ici et maintenant, dans ses relations, pour accéder à plus de bien-être et de sérénité.
Proposer un parcours digne, loin de toute stigmatisation...
Proposer d'agir dans le présent au lieu de subir le passé ou le sort...
Proposer un changement concret et durable qui ne repose pas exclusivement sur une médication...
Aujourd'hui, cela me semble plus utile que jamais. Toujours aussi enthousiasmant. Et, comme en témoigne la littérature scientifique...
Toujours innovant.