C'est sérieux, la crise de la quarantaine? On nous en parle souvent avec une pointe d'ironie. Tel ou tel est retombé en adolescence. S'est entiché d'une personne de vingt ans. Échafaude de curieux projets de seconde carrière...
Même les psychothérapeutes ont (trop) longtemps méconnu un désarroi spécifique de l'âge moyen.
Est-ce un mythe? Ou existe-t-elle réellement, la crise de la quarantaine? Quand on nous en parle, c'est souvent avec une pointe d'ironie. Tel ou tel, nous dit-on alors, est retombé en adolescence. S'est entiché d'une personne qui a la moitié de son âge. Vient de s'acheter un cabriolet jaune canari. Ou, plus modestement, s'est soudain remis à la guitare...
Dans l'entourage du quadragénaire, ou de la quadragénaire (voir encadré 1) on s'échange quelques sourires complices. Certains, moins complaisants, font-ils aussi des commentaires réprobateurs?
Ce sera probablement le cas si le comportement de la personne a un impact fâcheux sur sa vie de couple ou de famille, met à mal ses relations sociales, ou compromet son activité professionnelle.
Puis, on se rassure et on attend patiemment. Ca lui passera... Non?
Même les chercheurs, psychologues ou psychiatres, ont longtemps partagé cette vision naïve de ce qui est sans doute l'une des phases les plus importantes de la vie humaine.
Qu'elle puisse s'accompagner d'un désarroi profond, susciter l'anxiété et même un état dépressif spécifique à l'âge moyen est encore, surtout dans le monde francophone, peu reconnu.
Il me semble probable que cette méconnaissance contribue à isoler davantage la personne en proie à une crise qui dérange parfois beaucoup ceux qui l'entourent et qui intéresse souvent très peu ceux qui pourraient lui venir en aide. Entre la pédopsychiatrie et la psychogériatrie, toute l'étendue de la vie adulte est un fleuve, pas forcément tranquille, non, mais presque sans repères. Pourtant...
Comme le décrit Lucien Millet dans La crise du milieu de la vie:
A une certaine phase de l'âge moyen, le sujet prend, le plus souvent, une conscience de plus en plus nette et claire de la condition précaire de son individualité propre. Ayant consacré ses premiers efforts d'adulte à s'affirmer socialement et affectivement, et fréquemment aussi par la parentalité, à s'inscrire dans la succession des générations, il parvient à une période où il fait un bilan de son passé et de ses réalisations, s'interrogeant de façon plus ou moins claire et précise sur le sens de son existence: il prend pour cela une certaine distance vis-à-vis de lui-même et s'aperçoit souvent que la fin de l'adolescence ne signifie pas tout à fait la maturité.
Il a parfois l'impression d'avoir été prisonnier, en grande partie, de son passé, de son enfance et même de choix initialement ressentis comme tout à fait libres, actuellement éprouvés comme trop marqués et conditionnés par le groupe familial intériorisé dont il est issu; dans quelques cas, il se demande si le fil rouge de ses décisions n'a pas été préparé par l'idéal de son groupe et notamment de sa mère.
Il se rend compte que, du fait même des choix nécessaires, il a dû abandonner nombre de ses aspirations personnelles; dans la construction de lui-même, il n'a pu faire intervenir toutes ses capacités et virtualités. Sa situation, son désir l'amènent à souhaiter des changements et à les mettre en oeuvre.
Le bilan du midi de la vie comporte donc souvent des éléments importants de regrets et de déception, d'autant que le temps s'amenuise pour mener à bien les aspirations encore non réalisées.
Il se pourrait que les questions qui surgissent lors de la crise de la quarantaine désarçonnent l'entourage familial et/ou professionnel, beaucoup plus qu'un quelconque comportement excessif qu'on espère passager.
Elles sont en effet, dans un monde éternellement jeune et bercé par l'illusion d'une croissance infinie, devenues presque taboues. Les disqualifier, soit comme inutilement philosophiques, soit comme immatures et dignes d'un adolescent, serait-ce alors, pour un proche comme pour un intervenant, une manière de préserver ses propres certitudes?
Quant à la démarche psychothérapeutique brève, rien ne lui semble a priori plus étranger que le questionnement philosophique! A l'exception des abstractions constructivistes de certains auteurs, son langage est généralement pragmatique, concret, ancré dans le vécu immédiat. Trop ancré?
Une lecture systémique de la crise du milieu de vie est probablement celle qui fournit les clés les plus précieuses. Pour s'en saisir et favoriser un changement, le thérapeute doit toutefois s'aventurer au-delà de ses décodages familiers des échanges quotidiens. Il doit s'ouvrir à une interrogation sur le sens et s'associer à une renégociation, pas forcément brève, du lien familial, professionnel et social.
Dans l'intervalle, un aménagement plus immédiat et plus stratégique des modes de communication peut éviter certains conflits en donnant une place aux interrogations légitimes dans les interactions avec les proches.
Si la thérapie brève préfère laisser les racines à la psychanalyse, rien ne lui interdit d'être utile à une personne qui aimerait redéployer ses ailes.
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(Source: Fortune)