Les phobies, les TOC et TCA, les addictions peuvent créer de véritables situations d'urgence. Dans ces cas, parfois alarmants, il me semble indiqué de privilégier des approches un peu plus directives que la mienne.
Mais à plus long terme?
Quand une phobie où un trouble obsessionnel compromettent sérieusement les études ou la vie affective, sociale et professionnelle d'une personne. Quand une addiction ou un trouble du comportement alimentaire ont des conséquences graves pour sa santé ou, pire, mettent en danger sa vie. Alors...
Alors mon intervention, peu directive, n'est pas celle qui convient le mieux. Devant l'urgence, une prise en charge médicale et une thérapie cognitivo-comportementale (elle peut accompagner une hospitalisation) me paraissent plus indiquées.
Dans ces situations, je crois que la présence envahissante du symptôme est le problème à régler d'abord. Les autres enjeux personnels et relationnels peuvent attendre un peu.
Note: Les chercheurs qui proposent une version protocolaire de la thérapie brève systémique pour les troubles du comportement alimentaire et les phobies (voir encadré 1) s'accordent sur cette priorité.
Tous les troubles du comportement ne mènent pas inévitablement à des situations d'urgence. La prudence s'impose toutefois. Tous ont en commun de se développer le plus souvent sur une longe période durant laquelle ils passent inaperçus (pour l'entourage) ou sont inavoués (par la personne qui souffre). Choisir une démarche qui n'est pas focalisée sur le symptôme ne doit pas être une manière (de plus) de nier le problème. Cela ne ferait que retarder le moment d'une prise de conscience nécessaire.
Dans certaines situations spécifiques, une psychothérapie brève systémique peut néanmoins contribuer d'une manière significative à une évolution favorable.
Faut-il aller au-delà d'un traitement symptomatique? Pas toujours.
Notons d'abord que la thérapie brève systémique n'a pas l'exclusivité des changements relationnels!
Toute intervention a des effets systémiques. Elle redéfinit les alliances par la présence de nouveaux interlocuteurs (médecins, psychologues, psychothérapeutes, membres d'un groupe d'entraide). Elle rétablit certaines frontières en garantissant la confidentialité des entretiens d'aide. Elle peut mettre fin à des échanges conflictuels avec les proches, dans le cas d'une hospitalisation.
Combinés au parcours personnel de la personne, ces changements relationnels peuvent être assez bénéfiques pour conjurer le spectre d'une rechute. Et puis...
Et puis, avec le symptôme disparaissent souvent les tensions qu'il créait, les inquiétudes qu'il suscitait ou la violence qui l'accompagnait.
Quand de tels problèmes relationnels persistent ou quand ils se manifestent soudain sous d'autre formes une approche systémique pourra toutefois se révéler utile.
Certaines personnes qui m'ont consulté seraient sans doute un peu surprises de lire ce qui précède. Je pense à Caroline,*Dans ce qui suit, tous les prénoms et certains détails des situations ont été modifiés pour préserver l'anonymat des personnes qui m'ont consulté. qui a retrouvé l'appétit et, par conséquent, un poids normal. À Paul qui ne boit plus. Et à Martine qui ose enfin quitter sa maison, conduire, prendre l'avion.
Dans ces trois cas, des situations de crise dans le travail, le couple ou la famille étaient à l'origine de notre rencontre. L'anorexie de Caroline, l'alcoolisme de Paul et l'agoraphobie de Martine ont fait l'objet d'interventions parallèles à leur thérapie brève systémique.
Le soutien infaillible et les conseils d'une amie proche ont été déterminants pour Caroline. Deux séjours de sevrage dans une unité spécialisée d'un hôpital universitaire et son adhésion aux AA ont aidé Paul à vaincre ses démons. Quant à Martine... Est-ce que la thérapie brève lui a donné le courage de déclarer sa flamme à une âme-soeur qui vit à 500 km de chez elle? Peut-être. Mais il lui fallait plus de courage encore pour faire tous les exercices suggérés par sa thérapeute cognitivo-comportementale. Sans cet apport précieux, ses peurs paniques lui auraient interdit de voyager et de suivre l'élan de son coeur.
Doit-on modifier la démarche systémique pour en permettre une meilleure évaluation scientifique?
Et si c'était le cas, faudrait-il suivre un plan d'intervention (un protocole) établi en fonction de chaque problème psychologique? Ce plan devrait-il spécifier d'avance et pour chaque séance comment le thérapeute doit intervenir?
C'est la voie un peu étrange que poursuivent les chercheurs italiens depuis quelques décennies.
Le résultat est une thérapie hybride qui intègre certains défauts de la thérapie cognitivo-comportementale. Et qui n'a plus toutes les qualités de la thérapie brève systémique.
De cette approche, qui ne correspond pas vraiment à ma sensibilité, je retiens surtout qu'elle confirme l'intérêt d'un traitement symptomatique.
(Source: Manger beaucoup, à la folie, pas du tout. Giorgio Nardone, Tiziana Verbitz, Roberta Milanese.)