Est-il possible d’interroger les sciences humaines que sont la pédagogie et la psychologie ? Si oui, un tel questionnement est-il utile ? Enfin, s’il était possible et utile, comment pourrions-nous le conduire ? La première question est ambiguë. Il est tentant de répondre : Voyons, c’est très exactement ce que nous faisons tous, quand nous demandons conseil à un pédagogue ou à un psychologue!
Oui. Mais d’où leur vient ce conseil qu’ils vont alors nous prodiguer ? Que savent-ils au juste de l’humain que nous, humains, ne saurions pas ? Comment se fait-il que nous les voyons en nombre toujours plus grand dans nos entreprises et nos écoles ? Dans nos hôpitaux et nos centres sociaux ? Dans nos prisons comme dans toutes ces autres résidences où vivent retirés, de gré ou de force, ceux que l’âge, un handicap, un comportement difficile ou une maladie mentale éloignent de nous? Sur les plateaux de télévision, dans nos magazines et à l’autre bout du fil dans nos centres d’écoute pour personnes en détresse ? Et oui, même dépêchés d’urgence sur les lieux de nos catastrophes… là où en d’autres temps serait accouru, qui sait, un prêtre ?
Nous verrons que, aussi surprenant que cela puisse nous paraître, leurs sciences sont dans l’impossibilité de répondre à de telles questions et qu’elles sont incapables de penser philosophiquement leur objet, leur fonction, leur sens. Nous observerons comment la pédagogie et la psychologie s’enseignent dans le silence d’un triple refoulement de la question qui introduit, entre l’humain et le regard sur lui, une distance problématologique infranchissable.
Nous examinerons ensuite en quoi cette incapacité pose, elle-même, question. Les futurs pédagogues et psychologues ne peuvent pas se satisfaire de sciences qui produisent des réponses mais qui refusent d’être questionnées. S’ils désirent, dans un premier temps, prendre pleinement conscience de leur rôle pour, dans un deuxième temps, devenir les acteurs conscients de leur relation à celles et ceux qui les consultent ou dont ils étudient le comportement, ils doivent confronter leur savoir aux questions philosophiques qu’il leur interdit de poser.
Comment faire ? Si nous affirmons que le questionnement est nécessaire au praticien et au chercheur en sciences humaines mais que ces sciences se dérobent, nous sommes dans une impasse. Peut-on questionner une impasse ?
Une métaphore viendra ouvrir une brèche. Elle nous permettra d’inscrire les parcours des uns et des autres dans les temps collectif et individuel. Pédagogues et psychologues nous sembleront faire un voyage semblable à celui auquel nous invitent leurs connaissances et qui a commencé à l’aube des temps modernes. A cette nuance près…
A l’heure de la rencontre avec celle ou celui qui fait appel à leurs compétences ou qu’ils cherchent à mieux connaître, leurs Odyssées personnelles révèlent soudain tout leur sens. Si sens il y a.
Ithaque, pour d’autres, peut attendre une vie entière.
Pour eux, ce sera ici. Maintenant.